Le Burkina Faso, à l’instar des autres pays du monde a célébré la journée mondiale de l’autiste le 2 avril dernier. Pour connaître comment cet handicap peut toucher les enfants et comment ces derniers arrivent à s’insérer dans le monde social, nous avons approché le Directeur général de l’Association burkinabè d’accompagnement psychologique et d’aide à l’enfance (ABAPE), Boukary Pamtaba, le 19 avril dernier.
Le monde entier célèbre chaque 2 avril, la journée internationale de l’autiste. Quelle appréciation faites-vous de cette célébration ?
Cette journée n’est pas connue et n’est pas célébrée dans notre pays, étant donné que le handicap lui-même n’est pas connu au Burkina. Pour nous cette journée est une journée de sensibilisation pour permettre aux personnes handicapées, à la population et aux acteurs du monde éducatif de se rendre compte de la pathologie qui existe afin qu’ils aient un comportement responsable et humain envers ces enfants souffrant de trouble autistique.
Depuis combien de temps existe votre association et quelles sont les actions qu’elle mène pour l’épanouissement de ces enfants autistes ?
Le centre existe il y a de cela 6 ans. Il a été créé en 2011. C’est un centre qui a été mis en place au regard de l’insuffisance des centres au Burkina Faso de façon générale et particulièrement ceux des enfants autistes. Nous, en tant que psychologue, après nos études, on s’est dit qu’il fallait rendre utile notre savoir en venant en aide dans la formation de ces enfants. Ce que nous avons comme objectif, c’est de promouvoir une éducation inclusive à travers une prise en charge adaptée. A notre avis, on ne peut pas faire l’éducation inclusive sans une prise en charge adaptée, particulièrement pour les enfants autistes et déficients intellectuels.
A L’ABAPE, les enfants autistes sont suivis à travers des activités pédagogiques adaptées avec les monitrices, sous le regard de psychologue. Cette action, c’est de permettre à l’enfant d’avoir les prérequis de base académique pour que, si un jour, il a de réelles capacités, qu’il puisse intégrer une école pour ne pas être en déphasage avec le système éducatif. En plus de cela, il y a l’activité psycho-éducative pour permettre aux enfants d’avoir un comportement adapté et de pouvoir développer leur capacité cognitive. Cette activité est suivie par un psychologue. Il y a aussi les activités socio- éducatives parce que la plupart des enfants autistes ne se mêlent pas aux autres enfants. Ils sont réservés et cloitrés dans leur bulle autistique. Ils n’arrivent pas à interagir avec leur entourage ; c’est pourquoi cette activité a été créée pour permettre à l’enfant de se connaître afin de pouvoir interagir avec les autres. Il y a enfin les activités psychomotrices. Pour qu’un individu puisse bien se développer, il faut qu’il y ait un équilibre entre le corps et l’esprit. L’activité psychomotrice, c’est une activité qui permet à l’enfant de pouvoir améliorer ses rapports avec son corps. Aussi, il y a des activités de visite à domicile pour permettre de voir comment l’enfant intègre son environnement familial. Si un enfant vient et qu’il a l’âge d’intégrer une école maternelle, nous lui recommandons une école d’accueil pour lui permettre de suivre normalement un système classique et dans la soirée, il revient dans notre centre pour qu’on puisse le suivre. Souvent, il y a des visites dans les écoles pour voir comment les enfants autistes qui viennent de l’ABAPE et qui ont étés admis dans le système classique s’adaptent et comment ils sont traités par les instituteurs, parce que parfois les écoles nous les ramènent, soit disant qu’ils n’ont pas leur place dans un système classique.
Quels sont les progrès réalisés en matière d’insertion des enfants par votre association ?
Nous avons des exemples d’enfants qui ont pu s’insérer dans les écoles classiques, au primaire en classe de CP1. Il faut noter que c’est après 3 ans de suivi à l’ABAPE qu’ils ont pu intégrer le système classique. Dans une des écoles classiques, la première de la classe est une de nos enfants, et la plus faible moyenne de trois enfants autistes est de 5 de moyenne sur 10. Aussi, il y a deux autres enfants qui sont intégrés dans d’autres écoles et ces derniers arrivent à compétir avec les autres enfants de ces écoles classiques. C’est ce que le centre a pu réaliser comme progrès et souhaite pérenniser ces acquis.
L’association compte combien d’enfants en ce jour et quelles sont vos sources de financements ?
A ce jour, l’ABAPE compte 58 enfants et d’autres parents continuent de faire venir les leurs. L’ABAPE n’est pas une école classique ; nous travaillons 11 mois sur 12 et chaque enfant est suivi spécifiquement. Dans le centre, chaque enfant a son emploi du temps et dispose d’un suivi particulier. Nous recevons les enfants à n’importe quel moment. Nous avons 25 enfants qui viennent le soir et dont l’âge est compris entre 2 et 5 ans ; et 33 autres qui viennent le matin dont l’âge est compris entre 5 et 10 ans. Nos sources de financement actuelles, ce sont les parents des enfants. Ce sont eux aussi qui payent les prises en charge. Nous ne disposons pas, pour le moment, d’un soutien du gouvernement mais de par notre expérience, je suis dans le comité de rédaction du manuel pédagogique d’handicap mental avec le gouvernement et notre centre ABAPE est devenu le point focal en matière d’éducation inclusive. Le gouvernement, à travers, son projet d’éducation inclusive du genre, auquel nous sommes des partenaires, nous donne de l’espoir ; mais pour le moment, nous ne recevons pas de financement. Il faut cependant souligner qu’il y a une ONG qui nous accompagne ; il s’agit de Light for the world. C’est une ONG internationale. Il y a une autre ONG qui nous accompagne ; il s’agit de CBM. Cette ONG nous finance pour qu’on puisse former des acteurs de l’éducation vu que les écoles classiques qui prennent nos enfants sont automatiquement considérées comme nos partenaires. A travers CBM et Light for the world, nous avons pu former des monitrices d’écoles primaires. Nous pensons que si nous ne formons pas ces monitrices, tout ce que nous faisons comme travail au centre, n’aura pas une continuité.
Votre dernier mot
Nous demandons au gouvernement de nous soutenir car, ce que nous faisons comme action, s’il ne nous aide pas, l’éducation pour tous ne peut être une réalité. Si les acteurs qui ont eu l’idée de promouvoir l’éducation inclusive ne sont pas accompagnés, on ne peut pas atteindre les résultats escomptés.
Valérie TIANHOUN