GROSSESSE ET TRAVAIL
Des lacunes à combler
Comment mieux concilier grossesse et travail ? Telle est la question évoquée par une enquête française sur les conditions des salariées enceintes. Les résultats montrent que ces dernières ne bénéficient pas tout le temps des aménagements auxquels elles ont droit.
En France, il n'est pas rare qu'une femme continue d'exercer son emploi durant une partie de sa grossesse. Mais, l’environnement professionnel n’est pas dénué de risques qui peuvent compromettre le bon déroulement de la grossesse et le développement adéquat de l’enfant. "C’est pourquoi, très tôt, le travail des femmes enceintes a fait l’objet de mesures spécifiques", précise l'INRS*.
Sur le sujet, un rapport d'enquête de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) dresse un état des lieux des situations de travail vécues par les femmes enceintes, recense des bonnes pratiques en France et à l'international et propose une série de recommandations. Cette dernière a été saisie par l'ancienne ministre Myriam El Khomri à la suite de cas de fausse couche de deux femmes survenus sur leur lieu de travail dans le secteur de la grande distribution.
"Cet état des lieux a mis en évidence le fait que les connaissances et les études sur le thème 'grossesse et travail' sont somme toute peu nombreuses et éparses, a fortiori si on les concentre sur le seul secteur de la grande distribution", soulignent les auteurs. Pour en venir à cette conclusion, une enquête a été réalisée dans 13 magasins de la grande distribution. Les témoignages recueillis (salariés, managers) révèlent que les situations de travail sont différentes selon les enseignes et les magasins.
Un manque d'aménagement des conditions de travail
Ils font ainsi apparaître que les salariés comme les managers ne sont pas suffisamment informés des risques du travail sur la grossesse et des précautions à prendre. De fait, les droits de la femme enceinte sont méconnus. Comme par exemple, celui de pouvoir demander une visite auprès du médecin du travail, afin de s’assurer de la compatibilité́ entre les tâches confiées et l'état de santé de la salariée.
Ainsi, les auteurs font savoir que "les médecins du travail auditionnés ont tous affirmé qu’ils rencontrent très rarement les femmes enceintes, sauf au hasard d’une visite périodique ou à la suite d’une demande de la salariée." Et lorsqu'ils sont sollicités, c'est souvent dans l'urgence et/ou trop tardivement. Les salariées enceintes sont donc confrontées à la même difficulté, celle de l’absence d’anticipation suffisante des possibilités d’aménagement des conditions de travail (du poste, des horaires, des pauses).
Faute d'une réelle prise en compte de leur grossesse par l'entreprise, la majorité des femmes enceintes ou l'ayant été, déplorent le fait d’"avoir toujours à demander de l'aide sans qu’elle ne leur soit proposée spontanément". "Elles se disent souvent contraintes de gérer seules l'accroissement des difficultés rencontrées dans le travail du fait de leur état", précise l'Anact. Une lacune qui explique pourquoi le retrait du travail est actuellement considéré comme la principale stratégie de protection.
Eviter une "logique individuelle de gestion de la grossesse"
A savoir que, pour se protéger, les salariées enceintes sont nombreuses à "se retirer" ou à "être retirées " précocement de leur lieu de travail au moyen d'un arrêt maladie. Pour preuve, lʼanalyse des arrêts de travail de 37 salariées de la grande distribution montre que plus de la moitié dʼentre elles se sont arrêtées définitivement avant le cinquième mois de grossesse alors que 10% ont travaillé dans le magasin jusquʼau début de leur congé maternité.
Le code du travail prévoit pourtant des mesures protectrices envers la maternité au travail. A lʼannonce de la grossesse à lʼemployeur, la salariée enceinte doit en effet bénéficier d'une évaluation des risques professionnels, d'un aménagement des conditions de travail et d'une surveillance médicale adaptée. Si cet état des lieux se concentre sur la grande distribution, les auteurs précisent que "les problématiques rencontrées sont pour beaucoup partagées avec la plupart des autres secteurs dʼactivité".
C'est pourquoi ces derniers présentent des recommandations qui peuvent s'appliquer dans tous les secteurs. Celles-ci invitent à passer "d’une logique individuelle de gestion de la grossesse au travail à une approche organisationnelle de conciliation grossesse et travail." Outre le fait de renforcer la connaissance des risques professionnels pour la grossesse, le rapport recommande de mieux coordonner l'action des médecins du travail et de la périnatalité.
Si les femmes enceintes doivent être mieux sensibilisées sur leurs droits, les entreprises, elles, doivent intégrer une véritable culture de conciliation entre grossesse et travail "dans l’évaluation et la prévention des risques". Avec l'objectif, à terme, d'un maintien au travail si possible jusqu’au début du congé maternité. "Il s’agit de mobiliser toutes les possibilités d’aménagement ou de changement de poste pour stopper l’éviction des femmes enceintes de leur activité professionnelle", conclut le rapport.
Source : Santé Magazine
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Les salariées enceintes sont confrontées à la même difficulté, celle de l’absence d’anticipation suffisante des possibilités d’aménagement des conditions de travail