Dr MARCEL KUIRE, PNEUMOLOGUE à propos des infections pulmonaires
« Il faut plutôt utiliser de l’eau physiologique pour nettoyer les narines, en lieu et place du beurre de karité»
Il est pneumologue à l’hôpital de district de Boulmiougou. Dr Marcel Kuiré, puisque c’est de lui qu’il s’agit, dans cette interview réalisée le 11 février 2021, évoque des cas d’infections pulmonaires, de plus en plus fréquentes dans notre pays. Quelles sont les causes d’une telle infection ? Comment se manifeste-t-elle ? Ce sont autant de questions que nous avons posées au pneumologue. Lisez plutôt !
« Le Pays » : Qu’est-ce qu’une infection pulmonaire ?
Dr Kuiré : Une infection pulmonaire aussi appelée pneumopathie, est une infection du poumon liée à une agression interne ou externe au poumon. On parle aussi d’infection du parenchyme pulmonaire, c’est-à-dire des alvéoles qui sont des structures qui permettent des échanges d’oxygène entre le poumon et le sang, et les structures organiques appelées tissus interstitiels qui les entourent.
Quelles sont les causes de telles infections ?
Les causes des infections pulmonaires sont multiples. On a les infections pulmonaires d’origine bactérienne, qui constituent généralement les principales causes de ces infections. D’autres causes, à savoir virale (causées par des virus), mycosique (causées par les champignons) et parasitaire sont aussi retrouvées. Il y a également une catégorie d’infections pulmonaires, qui est liée à l’inhalation des produits toxiques et irritants.
Comment se manifeste-t-elle ?
Qui dit infection pulmonaire parle de symptomatologie respiratoire. Je parlerai plus des signes en faveur d’une infection pulmonaire bactérienne, étant donné que c’est la plus fréquente. Elle se manifeste le plus souvent par la toux, les douleurs thoraciques, les expectorations purulentes, c’est-à-dire des crachats qui peuvent être sales, jaunes ou verdâtres et parfois accompagnés de sang qu’on appelle hémoptysie. En plus de ces éléments, nous avons la dyspnée qui est une difficulté respiratoire. Des signes généraux peuvent être retrouvés, notamment une fatigue, un manque d’appétit et une fièvre (température souvent supérieure à 38°5C). Ce sont généralement ces signes qui amènent le patient à consulter.
Qui peut contracter cette maladie ?
C’est une maladie que tout le monde peut contracter. Que tu sois jeune, vieux, bébé, homme, femme ; tout le monde est concerné. Cependant, la fragilité du système immunitaire des enfants et des personnes âgées les expose plus. Il y a un certain nombre de mécanismes de contamination qu’il faille connaître. Le patient peut soit inhaler (respirer) des gouttelettes contaminées émises par éternuement ou toux par une personne malade, soit inhaler un virus ou une bactérie dans l’environnement insalubre. De même, on peut avoir une infection pulmonaire par le biais des infections ORL (angine, rhinite, otite) et odonto-stomatologique (infection de la bouche et des dents).
Y a-t-il une période propice à cette maladie?
Je dirais non parce que les infections pulmonaires surviennent à tout moment. En tenant compte des modes de contamination décrits ci- dessus, il n’y a pas de périodes propices. Mais nous avons constaté que pendant la saison sèche, la fréquence de ces infections est très élevée parce que, comme vous le savez, pendant cette période, il y a l’harmattan (un vent sec, froid chargé de particules poussiéreuses) qui est un élément favorisant les infections respiratoires.
D’aucuns disent que les infections pulmonaires et la Covid-19 ont presque les mêmes manifestations. Qu’en dites-vous ?
Ils n’ont pas tort, en ce sens qu’il y a une similitude avec certains signes. Et cette similitude entre les infections pulmonaires et la Covid-19 se traduit par les signes respiratoires, à savoir la toux, les douleurs thoraciques et la dyspnée associée à la fièvre.
Comment les distinguer ?
La distinction n’est pas facile mais en plus des signes respiratoires, certains signes permettent d’orienter vers une infection à coronavirus. Ce sont les signes ORL comme la rhinite, la perte de l’odorat ou du goût et le mal de gorge, l’aggravation rapide des signes respiratoires vers une détresse respiratoire. Pour distinguer ces deux maladies, seul le test de dépistage de la Covid-19 permet de confirmer la présence de la maladie. Et il faut savoir que le plus souvent, les infections à la Covid-19 s’aggravent rapidement chez les patients porteurs d’antécédents (diabète, cardiopathie, hypertension et d’asthme, etc.). Devant toute symptomatologie respiratoire, il faut toujours faire le test à coronavirus.
Les infections pulmonaires sont-elles mortelles ?
Les infections pulmonaires peuvent être mortelles. Lorsque celles-ci sont mal prises en charge, l’évolution peut se faire très rapidement vers une aggravation, puis vers la mort. En effet, il y a des patients qui banalisent leur infection ou qui ont recours à une automédication. Ces comportements peuvent mettre en danger leur santé tout en entraînant des complications qui peuvent être fatales. Les infections pulmonaires sont donc mortelles ; d’où la nécessité d’une prise en charge rapide.
« En cette période d’harmattan, ce qu’il convient de faire surtout chez les enfants, c’est de les protéger avec un habillement convenable contre le froid et leur porter un masque»
Quel comportement adopter en cette période d’harmattan, notamment chez les enfants ?
Je disais qu’en période d’harmattan, il y a du vent avec beaucoup de poussière en suspension. D’autres vous diront que la meilleure façon, c’est l’utilisation du beurre de karité dans les narines pour empêcher les infections. Mais je vous dis que cette pratique est déconseillée parce que, du point de vue anatomique, nos fosses nasales (narines) contiennent des poils qui, de façon naturelle, retiennent la poussière. Quand vous utilisez le beurre de karité, la poussière s’accumule dans les narines et entraîne une multiplication des bactéries et des virus qui vont provoquer des infections ORL. Ces infections ORL seront sources d’infections pulmonaires.
En cette période d’harmattan, ce qu’il convient de faire surtout chez les enfants, c’est de les protéger avec un habillement convenable contre le froid et leur porter un masque ou un cache-nez pour éviter qu’ils respirent la poussière. On peut faire un nettoyage nasal de temps à autre avec de l’eau physiologique que l’on peut trouver en pharmacie. C’est surtout ces précautions qu’il faut prendre pour protéger les enfants contre les infections.
Comment peut-on prévenir les infections pulmonaires ?
La prévention des infections pulmonaires passe par le respect des mesures d’hygiène, à savoir, assainir, c'est-à-dire rendre propre son cadre de vie. Lorsqu’on vit dans un environnement sale, on court le risque de contracter une infection. Aussi, faut-il se faire soigner devant l’apparition d’une infection ORL ou odonto-stomatologique par un agent de santé. De même, il faut se prémunir contre la poussière en portant un cache-nez ou un masque.
Valérie YAMEOGO/TIANHOUN