Dr Haïdjikiéma KARAMA, A PROPOS DU CANCER DE LA PROSTATE   « L’existence d’un père ou d’un frère ayant eu un cancer de la prostate multiplie le risque de cancer par 2 à 3 fois»

by Votre Santé Magazine

Le cancer de la prostate, qu’est-ce que c’est ? Qui peut contracter une telle maladie ?

Comment l’éviter ? Certaines personnes pensent que plus on a beaucoup de rapports sexuels, plus on a un risque élevé d’avoir une telle maladie. Mais le Dr Haïdjikiéma Karama, urologue au centre hospitalier universitaire de Tengandogo lève le voile. Lisez !

 

« Le Pays » : Pouvez-vous nous dire si le cancer de la prostate existe au Burkina ?

 

Dr Karama : Oui ! Le cancer de la prostate existe bel et bien au Burkina

 

D’abord, c’est quoi la prostate ?

 

Vous faite bien de poser cette question. En effet beaucoup de patients viennent à la consultation en me disant : «Docteur, j’ai la prostate » en faisant allusion à une maladie quelconque qu’ils auraient au sein de leur prostate. J’ai déjà parlé de la vessie qui est une sorte de réservoir situé dans le bassin, et dans lequel l’urine en provenance des reins est stockée en attendant que l’on ait envie d’aller aux toilettes. A partir de la vessie, l’urine est acheminée vers l’extérieur par un canal qu’on appelle l’urètre. Chez les hommes, on trouve sous la vessie une glande qu’on appelle la prostate, et qui entoure l’urètre. La prostate fabrique des liquides qui entrent dans la composition du sperme et elle sert également à l’évacuation du sperme vers l’extérieur lors de l’éjaculation. Sans la prostate, l’éjaculation n’est pas possible.

 

Qu’est-ce que le cancer de la prostate ?

 

Durant l’évolution, certaines cellules de la prostate peuvent se multiplier anormalement, de façon incontrôlée, et former une sorte de masse que l’on appelle une tumeur. Toutes les tumeurs ne sont pas des cancers. On parle de cancer de la prostate lorsque les cellules anormales qui constituent la tumeur ont la capacité de se détacher de la prostate, puis circuler dans le sang pour aller former d’autres tumeurs (les métastases) ailleurs dans l’organisme.

 

Quelles sont les causes ?

 

En matière de cancer de la prostate, on parle plutôt de facteurs prédisposant (ou facteurs de risque) car les facteurs déclenchant des cancers de la prostate ne sont pas précisément identifiés. Le facteur prédisposant connu est l’existence d’antécédents familiaux de cancer de la prostate, et donc de facteurs génétiques. L’existence d’un père ou d’un frère ayant eu un cancer de la prostate multiplie le risque de cancer par 2 à 3 fois. On parle de forme héréditaire lorsqu’on a 3 apparentés du premier degré atteint ou 2 apparentés du premier degré atteint avant 55 ans. On a aussi le facteur ethnique : on constate une incidence élevée de cancer de la prostate chez les afro-américains (Etats-Unis et Antilles), les africains et les européens du nord.

 

Qui peut contracter une telle maladie ?

 

Tous les hommes après 50 ans sont susceptibles de développer un cancer de la prostate. Juste que certains sont plus exposés que d’autres. Il est justifié de faire le dépistage ciblé du cancer de la prostate chez les hommes de plus de 50 ans vus en consultation urologique. Et il est recommandé de commencer un dépistage individuel (je répète individuel) à partir de 45 ans chez les sujets ayant un facteur de risque particulier (père ou frère ayant eu un cancer de la prostate) ou dans les cas de cancer héréditaire.

 

Certaines personnes disent que c’est une maladie de vieux. Que leur répondez-vous ?

 

Comme je l’ai dit plus haut, le cancer de la prostate est le plus souvent diagnostiqué chez les hommes de plus de 50 ans, et son incidence augmente avec l’âge. On voit exceptionnellement des cas de cancer de la prostate avant 40 ans.

 

Pensez-vous que c’est une maladie qui est fréquente dans nos contrées ?

 

En me référant aux données statistiques de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) concernant le Burkina Faso en 2018, le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent chez les hommes avec un taux d’incidence de 26,5 %. Cependant, des études sont en cours dans nos différents centres hospitaliers universitaires afin de déterminer de façon plus précise le profil épidémiologique du cancer de la prostate au Burkina.

 

D’aucuns estiment que le fait d’avoir des rapports sexuels fréquemment peut causer le cancer de la prostate. Que répondez-vous ?

 

C’est vrai que c’est une idée qui a circulé pendant longtemps. Mais je dirai que c’est plutôt le contraire. Il y a même une étude américaine qui a été publiée en 2016 à ce sujet. L’étude portait sur plus de 31 000 hommes suivis pendant près de 18 ans. Les résultats ont montré que plus on éjaculait fréquemment par mois, moins on avait de cancer de la prostate. Et le risque de cancer était réduit à partir de 13 éjaculations par mois avec un seuil autour de 20 éjaculations par mois.

 

Comment se manifeste-il ?

 

A un stade peu évolué, le cancer ne provoque généralement pas de symptômes. Cependant si la tumeur grossit et comprime la vessie et/ou l’urètre, le patient peut être embêté quotidiennement par des envies brutales et urgentes d’aller aux toilettes. Il peut se réveiller plusieurs fois dans la nuit pour aller uriner. Il peut avoir des difficultés pour uriner : le jet urinaire devient faible ou irrégulier, il ressent des brûlures ou douleurs en urinant, etc. Certains patients ont également des fuites involontaires d’urine qui accompagnent parfois les envies d’uriner, c’est à dire quelques gouttes d’urine qui s’échappent avant qu’ils aient pu atteindre les toilettes. On peut parfois voir du sang dans les urines. A un stade avancé du cancer (métastases), certains patients peuvent consulter pour une dégradation de l’état de santé (perte de poids et d’appétit, fatigue), des douleurs osseuses (dos, bassin, hanches), etc.

 

Quelles sont les conséquences ?

 

En comprimant la vessie, la prostate cancéreuse peut l’empêcher de se vider correctement. Cela favorise le développement des microbes dans la vessie (infection urinaire) et/ou de petits cailloux (calculs). La vessie mal vidée peut avoir également comme complication une stagnation des urines dans les reins (dilatation), ce qui finit par les abîmer. Si les reins sont endommagés, ils ne filtrent plus correctement les déchets présents dans le sang et ceux-ci peuvent intoxiquer l’organisme (on parle d’insuffisance rénale). Heureusement, cela arrive rarement.

Le cancer est dit localisé lorsqu’il est limité à la prostate. Si le cancer déborde la prostate, il peut envahir les organes de voisinage tels que le rectum et la vessie. Les cellules cancéreuses peuvent également passer dans le sang pour aller se fixer à distance sur d’autres organes (os, poumon, foie par exemple) au sein desquels elles vont entraîner le développement d’autres tumeurs ; ces tumeurs secondaires sont appelées métastases.

 

Le cancer de la prostate est-il mortelle ?

 

La plupart des cancers de la prostate évoluent lentement le plus souvent sur plusieurs années. Selon les constatations dans les études, chez les patients âgés de plus de 70 ans, dans la plupart des cas, les décès sont le plus souvent liés à une cause autre que le cancer de la prostate. Mais attention, le cancer peut progresser rapidement et causer le décès du patient. Je rappelle que dans le monde, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le cancer de la prostate est la troisième cause de mortalité par cancer chez l’homme (après le poumon et le colon).

 

Comment fait-on le diagnostic ?

 

Chez tout patient qui consulte pour un ou plusieurs des symptômes cités plus haut, l’urologue l’examine en palpant directement sa prostate à travers le rectum, afin de voir si elle a une forme inhabituelle (dure ou bosselée), signe d’un possible cancer. La prostate secrète une protéine particulière qui peut être dosée dans le sang : c’est l’antigène prostatique spécifique ou PSA dont la valeur peut orienter l’urologue en cas d’anomalie. Si votre urologue suspecte la présence d’un cancer, il vous propose une biopsie de la prostate. C’est le seul moyen de diagnostiquer un cancer de la prostate avec certitude. Cet examen consiste à prélever de minuscules fragments de prostate à l’aide d’une aiguille spéciale, à travers la paroi du rectum. Les prélèvements sont ensuite envoyés au laboratoire pour analyse microscopique.

 

Comment soigne-t-on le cancer de la prostate ?

 

Avant tout, lorsque le cancer est confirmé, l’urologue propose des examens complémentaires (scanner, IRM, scintigraphie osseuse selon les cas) afin de déterminer le stade d’évolution du cancer, ce qui conditionne son pronostic et son traitement.

Le traitement du cancer de la prostate repose sur un ensemble de protocoles codifiés qui sont adaptés aux particularités du patient. Le traitement tient compte du stade d’évolution du cancer et de l’âge du patient. De façon simplifiée en général, dans les cas de cancers localisés à la prostate et peu invasifs, les traitements visent la guérison du malade, et on peut proposer selon les cas : la chirurgie (pour enlever toute la prostate), la radiothérapie externe (utilisation de rayons que l’on concentre sur les cellules cancéreuses pour les brûler) et la curiethérapie (même principe que la radiothérapie, mais cette fois on place une sonde radioactive directement au contact de la tumeur). Si le cancer est à un stade plus évolué (métastases), le traitement ne vise plus la guérison complète mais plutôt l’amélioration de la qualité de vie et de la survie du patient, ainsi que la prévention des complications. Dans ce cas on peut administrer des médicaments d’hormonothérapie (utilisation d’hormones qui bloquent la croissance des cellules cancéreuses), et plus rarement, dans des cas très particuliers des médicaments de chimiothérapie (administration dans le sang de produits qui tuent les cellules anormales).

 

Quelles sont les mesures de prévention pour éviter une telle maladie ?

 

La consommation de certains compléments alimentaires a été évoquée dans certaines études. Mais en conclusion, aucune étude ne permet actuellement de conseiller des modifications diététiques ou alimentaires susceptibles d’avoir une quelconque influence sur le développement ou l’évolution du cancer de la prostate.

 

Valérie TIANHOUN

 

 

 

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