DR RODRIGUE SALOU, MEDECIN,  HEPATO-GASTROENTEROLOGUE : « Le stress est l’élément déclencheur de la colopathie fonctionnelle »

by Votre Santé Magazine

 

Qu’est-ce que le stress ? Peu de gens sauront donner une définition exacte de cette pathologie. Et pourtant, il est à l’origine de plusieurs maladies dont la colopathie fonctionnelle. D’ailleurs, avec Dr Rodrigue Salou, nous avons abordé de long en large les contours de cette maladie, qui autrefois semblait être une affaire du « Blanc ». Pour en savoir plus, lisez-plutôt !

« Le Pays » : Comment peut-on définir la colopathie fonctionnelle ?

Dr Rodrigue Salou : La colopathie fonctionnelle encore appelée Troubles fonctionnels intestinaux (TFI) ou Syndrome de l’intestin irritable (SII), désigne des symptômes digestifs chroniques qui orientent vers un dysfonctionnement du tube digestif bas mais qui ne s’expliquent par aucune anomalie organique.

Est-elle différente de l’ulcère ?

La colopathie est différente de l’ulcère, puisque l’ulcère gastrique ou duodénal est une plaie qui se trouve au niveau de l’estomac ou du duodénum, la première portion de l’intestin, alors que la colopathie intéresse le gros intestin que l’on appelle le colon. C’est différent de l’ulcère.

Y a-t-il des statistiques qui montrent que la maladie prend de l’ampleur ?

Oui, il y a des statistiques qui montrent que la maladie prend de l’ampleur, parce qu’il n’y a pas quelques années, lors des congrès en Europe, on pensait que les troubles fonctionnels intestinaux ou colopathie fonctionnelle étaient l’apanage des pays du Nord. Mais dans la pratique quotidienne, nous remarquons que pratiquement 2/3 de nos consultations sont constituées de cas de troubles fonctionnels intestinaux. Donc, c’est une maladie qui prend de l’ampleur dans nos pays actuellement.

Comment se manifeste la colopathie fonctionnelle ?

Les troubles fonctionnels intestinaux se manifestent par une association variable de :

-douleurs abdominales

C’est le principal symptôme : il s’agit de douleurs diffuses, intermittentes rarement fixes. Elles varient dans leur type, leur intensité, leur siège et leur irradiation. Elles sont typiquement améliorées par l’émission de gaz et de selles.

-troubles du transit

La constipation : elle est fréquente au cours des troubles fonctionnels intestinaux. Elle est définie par une diminution de la fréquence des selles (inférieure à 3 selles/semaine).

L’alternance diarrhée/constipation : des périodes de constipation alternent avec des périodes de débâcle diarrhéiques faisant suite à l’émission d’un bouchon de selles dures.

La diarrhée : elle est définie par l’émission de selles liquides trop fréquentes (supérieur à 300 grammes/jour). Il s’agit d’une diarrhée habituellement de type motrice ; émissions fécales peu abondantes, uniquement diurnes, souvent impérieuses après les repas.

-ballonnements abdominaux :

Ils sont fréquents et ont une valeur d’orientation ; il s’agit d’une sensation d’augmentation du volume abdominal, survenant fréquemment en période postprandiale (après les repas).

Y a-t-il plusieurs types de colopathie fonctionnelle ?

Non, pas du tout. Ce sont les symptômes qui peuvent varier multifactoriellement et dont la genèse n’est pas pleinement élucidée. De nombreux mécanismes sont évoqués :

-les troubles de la sensibilité viscérale : l’hypersensibilité viscérale due à un abaissement du seuil douloureux chez les patients souffrant de colopathie fonctionnelle. Ces personnes sont plus sensibles à la douleur que d’autres.

-les troubles de la motricité viscérale : on note une augmentation en nombre et en amplitude des ondes péristaltiques de l’intestin.

-interaction possible avec l’environnement : des épisodes de colopathie fonctionnelle ont été observés chez des patients après un épisode de diarrhée infectieuse.

-perturbation de l’immunité intestinale et micro-inflammation : on a observé une augmentation de la densité et de la dégranulation des mastocytes au sein de la muqueuse digestive de patients atteints de troubles fonctionnels de l’intestin.

-facteurs psychologiques : Les troubles psychologiques jouent un rôle important dans la genèse des troubles fonctionnels intestinaux. En effet, on observe parmi les malades souffrant de colopathie fonctionnelle une grande prévalence de personnes victimes de sévices physiques ou psychiques. On constate très souvent une aggravation de la symptômatologie au cours des périodes de tensions psychologiques.

La colopathie est-elle héréditaire ?

On a observé que les enfants de personnes souffrant de colopathie fonctionnelle avaient tendance à développer les mêmes symptômes que leurs parents. Mais à l’heure actuelle, le caractère héréditaire de la maladie n’est pas formellement établi.

Est-elle une maladie mortelle ?

Non. C’est une maladie totalement bénigne, qui ne présente aucun risque de dégénérescence.

Comment peut-on contracter   cette maladie ?

Il n’y a pas un mécanisme précis. Mais, c’est inhérent à la personne. Cela dépend de la sensibilité de son viscère, la motricité et le degré de stress que cette personne peut développer, puisque ce sont ces facteurs qui sont responsables de la colopathie fonctionnelle. Donc, tout le monde peut contracter la maladie même si ses causes exactes ne sont pas totalement élucidées.

Donc l’alimentation n’y est pour rien ?

L’alimentation y est plus ou moins pour quelque chose, parce que parmi les manifestations de la colopathie, il y a les ballonnements abdominaux, les troubles du transit à type de constipation ou de diarrhée. S’il y a des aliments qui favorisent la survenue de ces symptômes, cela peut être un élément déclencheur de la maladie. Il y a des aliments qui donnent la constipation, il y a des aliments qui peuvent être source de diarrhée ou de ballonnements. Finalement, ce sont ces aliments qui vont être des éléments catalyseurs de la maladie.

Quels sont donc les aliments que l’on doit éviter de manger ?

En fait, il y a plein de régimes qui suggèrent que quand on a la colopathie, on doit éviter de manger tel ou tel aliment. Mais, tout cela n’est pas scientifiquement prouvé. Tel aliment peut aller avec telle personne et ne peut pas aller avec telle autre personne. Donc, c’est à chacun de faire son propre régime et d’éviter les aliments qui lui créent des soucis en termes de ballonnement, de constipation et de diarrhée. Un régime alimentaire typique parachuté n’est même pas conseillé. A la longue, ce régime crée des perturbations nutritionnelles.

Qui peut la contracter ?

N’importe qui peut développer  la colopathie fonctionnelle qui touche 4 à 20% de la population générale. Donc, il s’agit d’une pathologie fréquente qui débute dans l’immense majorité des cas avant l’âge de 30 ans. On retrouve une prédominance féminine.

On a tendance à croire que c’est une maladie qui est récurrente. Comment expliquez-vous cela ?

Comme je l’ai dit, c’est une maladie chronique et multifactorielle qui évolue par poussées-rémissions, donc par la crise dont le début remonte souvent à l’enfance.

Comment éviter la colopathie fonctionnelle ?

On peut la  contrôler en minimisant les facteurs la déclenchant, tel le stress, et en s’assurant une alimentation équilibrée et diversifiée.

Quels conseils pour les malades de colopathie fonctionnelle ?

Tout d’abord, c’est de prendre attache avec un médecin spécialiste de la question en vue de poser le diagnostic de certitude de troubles fonctionnels intestinaux. C’est une maladie bénigne. Seulement, il faut éliminer une pathologie organique qui peut être potentiellement grave avant d’envisager la prise en charge d’une colopathie fonctionnelle.

Et pour ceux qui n’ont pas encore contracté la maladie ?

Pour ceux qui n’ont pas encore contracté le mal, le facteur responsable de la colopathie est le stress. Il faut éviter le stress, surtout celui professionnel. Au niveau familial, il faut aussi éviter le stress. Pour cela, il faut faire le sport, aller au cinéma, prendre des vacances et se reposer. Bref, il faut éviter le stress qui est l’élément déclencheur des troubles fonctionnels intestinaux.

Peut-on en guérir ?

Il est vrai que la prise en charge thérapeutique des troubles fonctionnels intestinaux est souvent difficile et les traitements décevants, parce que symptomatiques. Le médecin doit avant tout établir une relation de confiance avec le patient, le rassurer sur le caractère bénin des troubles fonctionnels intestinaux et expliquer la chronicité de la maladie avec laquelle il devra vivre toute sa vie. Le but c’est d’éviter le nomadisme médical et le recours à des explorations inutiles et répétées.

Avez-vous autre chose à ajouter ?

Permettez-moi de vous féliciter d’avoir choisi ce thème qui traite de la colopathie fonctionnelle qui constitue une pathologie très fréquente avec une demande en soins non négligeable. Les troubles fonctionnels intestinaux représentent de nos jours un véritable problème de santé publique par les coûts qu’ils engendrent. Des coûts directs liés aux consultations fréquentes, aux explorations et aux traitements. Et aussi des coûts indirects liés aux arrêts de travail.

Propos recueillis par Françoise DEMBELE

 

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