Dr SANDRINE NIKIEMA, MEDECIN OPHTALMOLOGISTE AU CHR DE DEDOUGOU:La principale mesure préventive des affections oculaires est la consultation de routine

by Votre Santé Magazine

De toutes les infirmités auxquelles est sujette l’être humain, la cécité est l’une de celles qui est difficilement acceptée ou tolérée. Dr Sandrine Nikièma, médecin ophtalmologiste au Centre hospitalier régional (CHR) de Dédougou a bien voulu nous accorder une interview. Les causes, les signes, les mesures préventives et les conséquences de certaines affections oculaires en particulier la cécité, la cataracte ont été abordés avec la spécialiste. Lisez plutôt !

 

Votre santé : Pouvez-vous nous décrire en quelques mots le mécanisme de la vision ?

 Dr Sandrine Nikiéma : Le mécanisme de la vision est très complexe. On peut le comparer à un appareil photographique. De dehors en dedans, les rayons lumineux pénètrent l’œil à travers la cornée qui est une membrane translucide. La pupille au centre de l’œil (l’orifice où se place le cristallin) joue le rôle de diaphragme et le cristallin fait la mise au point exactement comme l’objectif d’un appareil photographique. Les images reçues se projettent sur la pellicule photo qui est pour l’œil la rétine située au fond de l’œil. Ensuite, ces rayons lumineux sont transmis au cerveau sous forme d’impulsion électrique que celui-ci cerveau traduit en image.

Dans nos sociétés traditionnelles, la cécité semble être mal tolérée. Vous confirmez ?

 La cécité faisait effectivement partie des infirmités qui sont moins tolérée, incompréhensible, toujours pointée du doigt. Il y a toujours un accusateur et des responsables derrière la cécité. Mais, de nos jours, des actions de sensibilisations ont permis de remonter la pente. La stigmatisation est moindre.

 

Vous êtes médecin ophtalmologiste au CHR de Dédougou depuis septembre 2019. Quelles sont les affections courantes de l’œil rencontrées lors de vos consultations ?

 

La cécité liée à la cataracte est très fréquente lors de mes consultations. Elle est découverte de façon tardive. Les conjonctivites allergiques liées à l’environnement et bactériennes surtout chez des enfants sont également courantes. A cela, s’ajoutent les traumatismes chez des jeunes enfants dont la prise en charge aussi est tardive.

 

Quelle est l’origine de la cataracte ?

 

Il y a plusieurs étiologies, c’est-à-dire les causes. Les causes d’origine dégénérative, liée à l’âge sont les plus fréquentes. D’origines pathologiques telles que le diabète et d’autres pathologies adhérentes.  Nous avons aussi celles traumatiques chez des enfants de même que chez les adultes. C’est ce qu’on peut retenir comme principales étiologies de la cataracte.

 

Vous avez cité le traumatisme comme étant l’une des causes de la cataracte. De quels genres de traumatismes parlez-vous ?

 

Les traumatismes sont de tout genre. A titre d’exemples on peut citer les projections, les liquides toxiques, les batteries, les plaques solaires. Il y a également le traumatisme lié aux soudeurs. Pendant la soudure, si l’œil n’est pas protégé, un corps étranger peut y pénétrer. Dans ce cas, si le corps étranger n’est pas extrait à temps, l’œil peut s’infecter et entrainer des complications.  Il y a aussi les plaies pénétrantes de l’œil chez les enfants qui peuvent entrainer la cécité. Cela peut être provoqué par les jeux avec des objets contondants et tranchants. Les conjonctivites mal prises en charge avec certains traitements traditionnels non adaptés sont sources de cécité. Les décoctions utilisées pour les soins peuvent brûler votre cornée.

 

Comment éviter la cataracte ?

 

On ne peut pas éviter la cataracte liée à l’âge. C’est une dégénérescence du cristallin. A ce niveau l’évolution est large. La cataracte pathologique nécessite la surveillance de la pathologie d’origine du patient. Si vous êtes diabétique, le suivi d’un médecin diabétologue s’impose pour vous éviter les pics de glycémie. Dans les autres cas, il faut éviter les traumatismes en portant les casques pour ceux qui utilisent la moto. Chez les enfants, il faut proscrire les jeux violents qui peuvent entrainer des traumatismes. Plus, le choc est violent sur l’œil, plus le cristallin s’opacifie, la cataracte survient et l’œil peut s’ouvrir.

 

Peut-on guérir de la cataracte ?

 

Oui.  La guérison de la cataracte se fait principalement par la chirurgie. Une bonne chirurgie peut établir la vue.

 

Quels sont les signes des affections oculaires communément appelés maux d’yeux ?

 

Des petits signes existent. Lorsque vous vous réveillez le matin et que l’ouverture des paupières est difficile, il faut s’inquiéter. Il arrive parfois que certains se frottent les yeux, ils disent que c’est intéressant de frotter. La lourdeur des paupières, les sécrétions, la rougeur des yeux sont des signes. Il faut en ce moment consulter. A l’exemple de la palpation des seins, il est conseillé de fermer un œil avec la paume de votre main, et regarder avec l’autre œil. Cet exercice rotatif des 2 yeux vous permet  de vérifier votre vision. Si vous sentez une vision floue ou que vous ne voyez pas, une consultation en ophtalmologie s’impose à vous. Une baisse de la vision ou l’absence de vision brutale et réversible est une urgence en cardiologie. De même, les céphalées intenses au réveil peuvent n’est pas être liées à l’œil, mais plutôt un problème cardiaque.

 

Est-ce facile de réparer l’œil comme certains membres du corps humain ?

 

C’est très difficile. L’œil a besoin d’appareils sophistiqués. Pour examiner l’œil, il y a d’abord l’échelle d’acuité visuelle pour mesurer. C’est à l’image de la température en médecine générale. Ensuite la lampe à fente qui nous permet de regarder les différentes structures de l’œil. L’ophtalmoscope permet de regarder le fond de l’œil. Souvent un scanner est nécessaire au niveau du cerveau. S’il y a des légions importantes en cas de traumatisme ou des plaies de la cornée, la collaboration du patient est indispensable. C’est vous dire que la réparation de l’œil n’est pas toujours chose aisée.

 

A quel stade de la maladie parle-t-on d’aveugle, de malvoyant et de borgne ?

 

Il y a une échelle d’acuité visuelle qui va de 1 à 10. Le malvoyant a une acuité visuelle inférieure à 3/10è ou, supérieure ou égale à 1/10è. La cécité, c’est lorsque le patient a moins inférieur de 1/10è. On est borgne, lorsque vous avez un œil non fonctionnel.

 

Le borgne est-il classé dans la catégorie des déficiences oculaires ?

 

Non. Cependant, le borgne n’a pas droit à certaines activités. Il ne peut pas être pilote, militaire ou conducteur de certains engins lourds. En dehors des exemples cités, le borgne peut mener beaucoup d’autres activités avec beaucoup de précautions, parce qu’il n’a qu’un œil.

 

Quel peut être l’influence de la cécité sur le psychisme ?

 

Lorsque c’est unilatéral, le sexe masculin le supporte mieux. L’homme tolère et accepte plus la cécité unilatérale. La femme étant considérée comme le reflet de la beauté, tolère mal cette situation.  C’est pourquoi, un accompagnement psychologique est nécessaire pour la gent féminine. Si l’œil non fonctionnel est présentable, ça peut passer. A contrario, elle le tolère très mal. Les enfants eux, grandissent avec et tolèrent par la suite.

 

Quel est le rôle que doit jouer l’entourage de la personne atteinte de cécité ?

 

Evitons toujours de condamner une personne atteinte de cécité. Mieux, il faut essayer de l’accompagner aussi possible qu’il soit. Surtout, mettre à sa disposition une personne ressource pour l’aider à faire sa toilette et sa restauration. Le patient atteint de cécité étant infirme, est dépendant. Pour cela, l’accompagnement social de tout son entourage est indispensable. Il faut l’entourer, lui expliquer certaines choses et lui donner beaucoup plus d’affection. Si le patient est isolé, le risque est grand. Pour lui, sa vie n’a plus de sens, parce qu’il n’a plus la vue. La vision c’est la vie.

 

Le port de verre correction sans prescription prend de l’ampleur dans nos villes et campagnes. Quelles doivent être la conduite à tenir pour le port des verres correcteurs et les verres de protection ?

 

Il existe plusieurs types de  verre. Si votre vision de loin n’est pas altérée, vous n’avez pas besoin de verre de correction.  On vous conseille de porter des verres simples qu’on retrouve sur la place du marché et très abordable, de préférence avec un fond un peu brun, pas trop noir, pas trop blanche. Cela vous permet de supporter la lumière du soleil. Nous avons des verres photo gray antireflet qu’on peut trouver dans les centres optiques.  Vous pouvez vous en procurer auprès d’un opticien. Il a enfin les verres correcteurs qui sont conditionnées par une prescription médicale. Si votre vision de loin est altérée, il faut nécessairement une consultation ophtalmologique pour le suivi.

 

Quelles sont les conséquences du port de verres correcteurs sans prescription médicale ?

 

C’est très dangereux. Cette pratique d’auto médication peut vous donnez des céphalées atroces. Très atroce qu’on ne comprend pas. Ces céphalées peuvent altérer votre œil. Ceux ou celles qui le font, seront obligés de consulter en ophtalmologie, parce qu’ils ne pourront pas supporter. Le port de verres pour la vision de près sans prescription est fréquent. Cela est fortement déconseiller. Si le besoin se fait sentir, il faut se référer aux spécialistes.

 

Certains patients utilisent des prothèses. Qu’est-ce que c’est qu’une prothèse et quel est son rôle ?

 

Une prothèse est comme un support. Elle est sous forme de céramique raffinée. Il y a plusieurs types de modèles.  Lorsque la personne est borgne et qu’il y a une cavité très bien adapté, on choisit la paire qui convient et on insère dans la cavité orbitaire. Vous êtes bornes, peut être que l’œil non voyant est mal vu, vous ne supportez pas, vous voulez un œil qui ressemble à l’autre œil, mais c’est non voyant. On fait une éviscération ou on insère la prothèse. Certains qualifient ça d’œil de bœuf ou de mouton. Il ne s’agit pas de cela. C’est un accompagnement psychologique.

 

Quelles sont les mesures préventives qu’on doit adopter pour éviter certaines affections oculaires ?

 

La principale mesure préventive est la consultation de routine. Au moins une fois par an ou par semestre, toute personne doit consulter un spécialiste en ophtalmologie. La visite médicale périodique permet de dépister des pathologies, d’anticiper et de prévenir. Mieux, si un membre de votre famille a une tension oculaire, faites très attention, parce que c’est héréditaire. Les médecins redoutent cette pathologie qui n’est autre que le glaucome. Sa prise en charge est très difficile. Si vous avez une vision qui nécessite des verres correcteurs, n’hésitez pas à consulter.

 

Propos recueillis par Loban Henry POPPY

 

 

 

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