FEMMES ATTEINTES DE FISTULE OBSTETRICALE : Dans l’univers de « la maladie des urines »

by Votre Santé Magazine

 

Alors que nous embarquions dans le minibus d’une mission du personnel de l’UNFPA pour la Fondation RAMA, à quelques encablures de Ouagadougou, le 18 décembre 2015, nous étions loin de savoir sur quoi nous allions tomber. Bon nombre de missionnaires n’avaient pas encore côtoyé d’aussi près des femmes souffrant de fistule obstétricale. Une expérience troublante pour les uns et stupéfiante pour les autres. Ce qui est sûr, cette journée a marqué plus d’un. Entrons alors dans l’univers de ses braves dames que la société a marginalisées.

Les caractéristiques principales  de cette maladie sont l’odeur des urines et le fait qu’elle ne frappe que la gent féminine. Dans les langues nationales, la fistule obstétricale est désignée par « maladie des urines ». Les femmes atteintes de fistule obstétricale ont les urines qui coulent sans arrêt, la personne malade ne pouvant pas les maîtriser. « Il fallait tout le temps changer de couches et se nettoyer », nous confie Bintou Ouédraogo, 27 ans, qui a vécu avec la fistule obstétricale durant neuf ans. Dans un témoignage très émouvant entrecoupé de sanglots, elle relate : « Tout a commencé par un mariage forcé à 13 ans. On m’a amenée de force en Côte d’Ivoire chez celui avec qui on m’a mariée. Quand nous sommes arrivés au campement où il vivait, j’ai refusé de dormir dans la même maison que lui, premièrement parce que je n’avais jamais eu à faire à un homme et deuxièmement parce que je n’aimais pas le monsieur. Face à mon refus, un mois après, je ne sais pas ce qu’ils m’ont donné à manger ou à boire parce qu’à mon réveil, je me suis rendue compte que j’ai eu des rapports sexuels avec le monsieur sans en être consciente. C’est quatre mois après le contact physique que je suis tombée enceinte. A neuf mois de la grossesse, j’ai commencé à avoir mal au ventre. Comme je ne partais pas aux consultations prénatales, je ne savais pas que c’était l’accouchement. Les vieilles m’ont laissé traîner à la maison jusqu’à ce qu’une d’entre elles décide d’appeler un agent de santé. Et quand celui-ci est venu et m’a examinée, il a dit de m’amener à l’hôpital parce que mon cas était trop grave et qu’il avait l’impression que le bébé ne bougeait plus. Effectivement je sentais que le bébé ne bougeait pas et ce depuis trois jours. Quand je suis arrivée au centre de santé, les agents ont dit qu’ils ne pouvaient rien faire pour moi et là ils m’ont amenée à Abidjan ville. Ils m’ont opérée et je suis tombée dans le coma durant dix jours. Et quand je me suis réveillée, j’ai constaté que mes urines coulaient et que je ne pouvais pas bouger parce que mes jambes ne répondaient plus. Quand j’ai essayé de me lever un jour, je suis tombée. Et c’est le même jour que j’ai senti que quelque chose bougeait dans mon ventre. J’ai essayé en vain d’expliquer aux agents de santé ce qui m’arrivait car personne ne me comprenait. Je suis restée avec la chose durant 30 jours. Ce n’est que le 31e jour que la chose est sortie. Et il se trouvait que c’était le placenta. Il sentait mauvais parce qu’il avait eu le temps de pourrir dans mon ventre ». Des urines qui coulent sans cesse, en sus d’un placenta pourri dans le ventre. Comment sauver cette jeune dame qui est en passe de perdre son utérus ? «J’ai subi une deuxième opération à Abidjan. Cette opération a tout aggravé. La cadence des urines qui coulent a augmenté. De la Côte d’Ivoire je suis revenue au Burkina Faso,  chez un oncle à Ouagadougou. J’y suis restée pendant trois ans sans que personne ne sache que je suis malade. A cause de la maladie,  j’ai décidé de m’initier à la couture pour pouvoir utiliser les morceaux de tissus comme tampon. Et même à l’atelier de couture, personne ne savait que j’étais malade. Le jour où la famille de mon oncle a su que j’avais la fistule obstétricale, elle a commencé à me détester. J’étais seule dans mon coin et n’adressais la parole à personne. C’est à partir de ce moment que mon oncle m’a demandé de partir de chez lui. Après cela, j’ai décidé d’aller dans un centre de santé pour avoir de l’aide. Arrivée au centre sanitaire, je me suis confiée à la première personne que j’ai rencontrée et c’est elle qui m’a mise en contact avec l’Action sociale qui, à son tour, m’a dirigée vers la Fondation Rama. Et c’est quand je suis arrivée à la Fondation que j’ai su qu’il y avait d’autres femmes qui souffraient de la même maladie que moi».

 

« Est-ce que je pourrai vivre avec cette maladie ?»

 

La Fondation Rama accueille les filles et les femmes souffrant de fistule obstétricale et les aide à recouvrer la santé. Ce centre a été une aubaine pour Bintou parce qu’elle y verra le bout du tunnel, elle qui avait perdu tout espoir de guérir. En effet, une mission tunisienne de passage au Burkina lui a tendu la perche. Et grâce à cette mission, elle s’est rendue en Tunisie pour être opérée. Là aussi, Bintou Ouédraogo n’était pas au bout de ses peines parce qu’elle y subira deux opérations infructueuses et c’est la troisième qui lui  permettra de recouvrer la santé mais « elle ne peut plus avoir d’enfants », selon ses dires. Alors, Bintou Ouédraogo demande aux parents de ne pas donner les mineures en mariage parce que cela a beaucoup de conséquences malheureuses. Et ces conséquences, Sali Ouattara, 24 ans aujourd’hui, venue de Banfora les subit actuellement. Elle vit avec la fistule obstétricale qu’elle a contractée suite à un mariage forcé et une grossesse précoce à l’âge  de 16 ans. Mais sa situation est complexe en ce sens qu’après trois opérations, le diagnostic est sans appel. On ne peut  plus l’opérer et elle doit vivre avec la fistule obstétricale parce que tous les tissus de son appareil génital et urinaire sont endommagés.  Et cela,  faute de soins appropriés au cours de son accouchement. « Est-ce que je pourrai vivre avec cette maladie ?», se demande Sali Ouattara. Pour le moment elle est à la Fondation Rama espérant qu’un bienfaiteur passera par là pour lui porter secours. Et elles sont nombreuses à vivre avec cette maladie à la Fondation Rama qui met les petits plats dans les grands, en collaboration avec des partenaires, pour  soulager les femmes malades.

Comme l’a signifié Dr Assoumana Zallha qui suit les femmes de la Fondation Rama, « la fistule obstétricale résulte d’un accouchement non ou mal assisté. C’est une communication anormale entre la vessie, l’utérus et le rectum. En fait, les femmes qui contractent la fistule obstétricale sont celles qui, au cours de l’accouchement non ou mal assisté, ont échappé à la mort». Comme solution Dr Assoumana Zallha préconise « la prévention, c’est-à-dire, aller accoucher dans les formations sanitaires ».

Françoise DEMBELE

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