PERSONNES VIVANTS AVEC  LE CANCER : Des malades racontent leur calvaire

by Votre Santé Magazine

 

Etre malade du cancer, n’est pas une chose aisée, tout en sachant que toute maladie ne l’est pas non plus. Mais les maux diffèrent tout de même. Souvent, elles sont désespérées et désemparées par le poids de la maladie. Mais aussi  compte tenu du coût élevé des produits, l’insuffisance des médecins et  le manque de prise en charge. Face à cette situation certains préfèrent rester dans l’ombre et attendre   que la mort vienne les prendre. D’autres par contre ont espoir et luttent en demandant l’aide des partenaires et des autorités. Elles, ce sont les personnes atteintes du cancer. Pour en savoir davantage sur cette maladie et comment les personnes atteintes de ce mal arrivent à recevoir les soins, nous avons rencontré quelques malades. Lisez plutôt !

Rosalie Ziba/Zongo, présidente de l’association des femmes atteintes par le cancer et ancienne secrétaire au ministère de la Santé.

C’est en 2002 que j’ai su que j’avais le cancer du sein de 1er degré  et depuis lors je vis avec cette maladie. J’ai bénéficié d’une prise en charge du ministère de la Santé où j’ai séjourné 4 jours à Paris pour des soins de radiothérapie. Le jour que le docteur m’a annoncé que j’étais atteinte du cancer, cela a été un grand choc pour moi, mais après des entretiens avec le docteur je me suis rendu compte que c’est un mal que l’on peut soigner si toutefois ce mal a été découvert à temps. Pour toute personne qui connaît  cette maladie sera choquée de savoir qu’elle en souffre. Je suis mariée et mère de trois enfants, mais j’ai toujours bénéficié du soutien de toute ma famille. Contrairement à d’autres qui font objet de rejet et de discrimination, moi particulièrement depuis l’annonce de ma maladie, les membres de ma famille  m’ont toujours épaulé. Mon souhait c’est de guérir un jour de cette maladie. La prise en charge est vraiment minime, en ce sens que ce sont les évacuations sanitaires, c’est-à-dire la radiothérapie qui est prise en charge par le gouvernement, mais cela aussi n’est pas suffisant. La prise en charge doit être d’abord  au niveau de la chimiothérapie, parce que c’est là-bas que les gens ont vraiment des problèmes compte tenu de son coût élevé. Une seule dose de chimio tourne autour de 200 000 F CFA à 300 000 F CFA. Or, il faut en prendre tous les 21 jours et le minimum qu’on peut faire est 3 doses si le cancer est à sa 1re phase. Mais si le cancer atteint le 2e ou le 3e degré il faut au moins 6 doses. Et pire parfois, pour trouver le produit c’est la croix et la bannière, car le produit n’est pas toujours disponible. Ce qui fait sombrer les malades, c’est le fait même qu’ils n’arrivent pas à prendre toutes les doses dont le corps a besoin par faute de moyens. Un malade peut parfois prendre la 1re dose et attendre pendant des mois pour prendre une autre dose, or l’organisme ne supporte pas cela, donc le malade ne fera que sombrer.  Nous demandons au gouvernement d’augmenter l’enveloppe des évacuations, parce que les personnes vivantes avec le cancer sont nombreuses et seulement un nombre minime est évacué. Aussi, nous sollicitons l’implication de gouvernement sur la disponibilité des produits et de leurs subventions.

Salif Kouanda, souffre du cancer de prostate : « Je n’ai pas de moyen pour l’évacuation, donc j’attends que la mort survienne »

C’est dans un état abracadabrant que nous avons trouvé Salif Kouanda. Très découragé et dans le désespoir, il raconte : je n’ai plus espoir de vivre même 2 mois encore, car je suis fatigué de ce mal. Je suis à la phase terminale du cancer, je dois être évacué à l’extérieur pour une radiothérapie, or je n’ai pas de moyens pour l’évacuation, donc j’attends que la mort survienne. Toutes mes économies sont finies et j’ai même ruiné ma famille avec les dépenses sur les produits de chimiothérapie.

Abibou Belem, : « Notre souhait est que le ministère de la Santé prenne en charge le traitement du cancer »

C’est en décembre 2013 que j’ai découvert que j’étais atteint  du cancer du sein.  J’ai été faire mon intervention en 2014 de mes propres frais qui m’ont couté environ 1 million de F CFA, mais c’est la radiothérapie qui a été prise en charge par le gouvernement à 3 millions de F CFA à Accra. Je suis mariée et mère de trois enfants, et je suis contente du soutien de ma famille, car elle m’a toujours soutenue dans ma maladie. Notre souhait est que le ministère de la Santé prenne en charge le traitement du cancer, car le coût du traitement fait parfois que beaucoup de personnes meurent par faute de moyens. Que ça soit l’intervention où la chimiothérapie, les malades n’arrivent pas à se prendre en charge, mais le gouvernement ne prend en charge que la radiothérapie. Or il faut faire la chimiothérapie avant la radiothérapie.  Les médecins sont aussi difficiles à trouver, car leur nombre est insuffisant, donc parfois on n’arrive pas à rentrer en contact avec eux. J’ai espoir et je crois qu’un jour je guérirai de cette maladie grâce à Dieu. Il y a au moins 5 malades au sein de notre association qui sont en phase finale par manque de soin sous notre regard impuissant. Nous demandons à toutes les bonnes volontés qui peuvent aider les malades du cancer à avoir des soins à ne pas hésiter. Mais aussi au gouvernement d’aider les associations de lutte avec des financements et des subventions.

Valérie TIANHOUN

Après avoir rencontré quelques personnes souffrantes du cancer, nous avons aussi donné la parole au Dr Aboubacar H. Bambara, oncologue médical et chef du centre de cancérologie du Centre hospitalier université Yalgado Ouédraogo.

  1. Qu’est-ce que le cancer et quelles sont les personnes qui peuvent être touchées par le cancer ?

Le cancer est comme une maladie ou les cellules deviennent folles et ne respectent plus donc les règles de multiplication et cela donne des localisations de plus en plus secondaires sur d’autres organes. C’est dire, donc que le cancer va donc de la tête aux pieds comme on aime le dire. Tous les organes de notre corps peuvent être atteints par cette maladie qu’est le cancer. Les cancers les plus fréquents rencontrés dans nos conditions de travail sont chez la femme le cancer du sein suivi donc du cancer du col de l’utérus et pour ce qui concerne l’homme, c’est le cancer de la prostate qui est le plus rencontré.

 

Quelles sont les tendances actuelles de la maladie ?

Le cancer est  de plus en plus considéré comme un problème de santé publique en témoigne les chiffres du ministère de la Santé qui, selon les statistiques,  en 2013,  les cancers constituaient la première source d’évacuation sanitaire  hors du pays. Et selon encore, global cas 2012, on a environ  10 000 cas  de cancers attendus. C’est dire qu’on a de plus en plus affaire à cette pathologie qui prend de l’ampleur.

  1. Au Burkina Faso, quelles sont les mesures prises pour éradiquer la maladie ?

Il faut dire qu’en  septembre 2013, on a déjà pu adopter le Plan stratégique de lutte contre le cancer au Burkina  qui devait s’étaler de 2013 à 2017. Mais compte tenu des événements, notamment  en marge  d’Ebola, cela a  dû freiner  la mise en œuvre  de ce  plan stratégique. De ce Plan stratégique, on est arrivé donc  à  faire la pose de la première pierre du centre de cancérologie  de Ouagadougou  à l’Hôpital national Blaise Compaoré,  pour pouvoir donc lutter contre le cancer. Et enfin, des mesures sont en train d’être prises pour avoir des réductions plus importantes des coûts de médicaments  contre le cancer.

  1. Est-ce que vous rencontrez des difficultés par rapport à la prise en charge ou même sur le terrain côté matériel ?

Les difficultés ne manquent pas. D’abord pour l’accès aux médicaments, pour le traitement  du cancer(les anticancéreux), leur disponibilité, leur accessibilité sont des freins à la prise en charge du cancer. Et comme nous nous sommes chargés de faire le traitement par les médicaments, ce qu’on appelle la chimiothérapie, les coûts de ces médicaments sont effectivement chers et souvent  pas à la portée de nos patients. Par exemple,  pour le cancer du sein, il peut arriver que  la patiente soit  obligée de débourser entre 80 000 et 300 000 F CFA toutes les 3 semaines . Vous savez que sans subvention, sans prise en charge, cela est effectivement difficile et aussi les conditions de chimiothérapie sont difficiles pour les patients. Il faut des appareils adaptés, pour leur traitement, et  enfin l’un des maillons faibles de la lutte contre le cancer est la radiothérapie. C’est le traitement par les rayons donc les malades sont obligés, soit d’attendre une évacuation sanitaire, qui peut prendre du temps avant qu’elles puissent partir hors du pays ou encore les gens sont obligés de cotiser pour aller faire ce traitement hors du  Burkina. C’est dire donc qu’il y a plusieurs difficultés à plusieurs niveaux dans  la prise en charge du cancer au Burkina.

  1. Quelles sont  vos relations avec les malades ?

Il faut souligner que nous ne sommes pas nombreux. Au Burkina, il n’y a que 5 cancérologues. Dont 2 cancérologues qui s’occupent de la prise en charge médicamenteuse du cancer, il y a un qui est présentement en stage donc moi, je me retrouve seul dans la prise en charge médicamenteuse de la lutte contre le cancer. Ce qui veut dire que c’est difficile de pouvoir nous avoir. Les  rendez-vous sont souvent long, ça c’est une réalité,  et bien sûr dans le cas des traitements par  les rayons parce que nous n’en avons pas. Et enfin la difficulté bien sûr, c’est la compréhension, on vous l’a dit, il faut revenir chaque 3 semaines pour faire le traitement contre le cancer (la chimiothérapie), et il y en a qui estiment que ces 3 jours sont souvent choisis ou imposés  par nous-mêmes. C’est une histoire de protocole de traitement. Ça fait que les patients ont des difficultés, pour nous comprendre. Parfois, ils estiment qu’ils n’ont pas l’argent, donc  souvent le malade peut prendre une séance, et s’en aller quand il veut, alors que ça joue un rôle dans la prise en charge. Nous comprenons très bien, parce que les médicaments coûtent chers, mais eux aussi, ils doivent comprendre que le rythme, c’est-à-dire la régularité du traitement, pour un bon résultat impose que nous respections les délais qui ont été définis, en fonction  des protocoles de traitement qui ont été adoptés. Cela est très important dans le processus de traitement. Aussi, comme vous le constatez, il y a des difficultés au niveau de l’attente pour pouvoir consulter. Il n’y a pas de bancs pour que les patients puissent s’asseoir. Cela  pose parfois des difficultés de compréhension, mais dans l’ensemble, ils nous comprennent.

Déjà quand on parle de cancer, le malade voit déjà la mort. Le malade est anxieux. La famille est inquiète, donc ça fait une pression supplémentaire pour nous, parce qu’ils estiment qu’ils ne pourront pas s’en sortir. Souvent après de longues explications de compréhension, ils arrivent à comprendre, qu’ils ont des chances. Donc, ce qu’il faut dire à la population, c’est de consulter tôt  par exemple, si une femme a une boule au niveau de son sein, et qui pense que comme la boule ne fait pas mal, elle préfère attendre. Elle  peut utiliser par exemple ce qu’on appelle « le balai ». Donc c’est vraiment dire que chacun connait son corps donc chaque fois, qu’il y a quelque chose qui apparait, qui n’existait pas, il faut vraiment aller consulter pour qu’on regarde si ce n’est pas grave. Si ce n’est pas grave, c’est une chance. Mais si vous restez à la maison, et que la maladie arrive à un stade avancé, il est parfois difficile pour nous d’aider la personne à s’en sortir. A ce moment cela devient des situations sociales qu’il faut  vraiment supporter. Donc le cancer n’est pas forcément égal à la mort,  Il faut donc savoir prévenir dès les premiers signes.

 

Est-ce qu’il y a des patients qui sont souvent hospitalisés à Yalgado ?

Il arrive que des patients soient hospitalisés. Comme actuellement, nous n’avons pas de centre de service général de cancérologie, Nos patients sont hospitalisés dans le centre de  chirurgie  générale et digestive du centre hospitalier et universitaire Yalgado Ouedraogo.

 

Un dernier mot pour conclure

C’est vraiment remercier le journal « Le Pays » qui a toujours eu une attention particulière pour les questions de santé et surtout pour ce qui concerne le cancer. Cela est une manière qui contribue à nous aider dans la promotion des mesures préventives. II faudrait que nous puissions avoir des occasions pareilles pour inviter la population à ne pas avoir peur du cancer et à consulter devant tout signe. Lorsqu’on arrive à consulter, on peut avoir des chances de s’en sortir. Et pour terminer, je voudrais adresser un mot à tous ceux qui sont atteints du cancer, pour dire d’avoir du courage, qu’elles ne sont pas seules,  et que nous savons que ce n’est pas facile mais que nous sommes disponibles pour les accompagner et ensemble nous devons lutter contre cette maladie.

T.v

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